Et si on parlait de Sam Braun ?

Il m'aura fallu du temps, pour me remettre de la disparition de Sam Braun. Une étape difficile de ma vie, cet homme a changé beaucoup de choses chez moi, sans le savoir. Il a fait de moi quelqu'un de plus fort, j'ai changé ma vision des choses, j'ai appris à comprendre, à accepter et à transmettre.

Aujourd'hui, 2 ans après le décès de Sam Braun, je vais mieux. Je vais donc enfin pouvoir vous parler de Lui. Sam était quelqu'un de tout à fait exceptionnel, je n'avais jamais rencontré un homme comme lui auparavant : quelqu'un d'aimant, qui aime la vie et qui réussi à vous la faire aimer à travers ses mots. J'ai trouvé ça tout à fait extraordinaire. Je l'ai rencontré pour la première fois en 2008.

Je ne connaissais pas Sam personnellement, je le connais grâce à cette unique rencontre que j'ai pu avoir avec lui et surtout avec nos échanges par mail qui ont suivi cette rencontre.Sam Braun est né le 25 août 1927, lui et moi nous nous considérions comme des "jumeaux'', avec quelques années de différence... Sam est né à une époque bien différente de la notre. Et surtout, il a connu la guerre et toutes les horreurs que cela comporte. Et puis pour lui, les choses furent encore bien plus compliquées : il était juif. Etre juif pendant la seconde guerre mondiale, c'était la pire configuration qui puisse exister. Je ne vais pas vous faire un cours d'Histoire, ce n'est pas le but de ce site, mais je vais vous parler de l'histoire de cet homme. Sam fut déporté le 12 novembre 1943, avec sa soeur et ses parents, lorsqu'il avait 16 ans. Ils furent emmenés à Clermont-Ferrand, puis à Drancy, avant de partir en convoi pour Auschwitz. La famille Braun est alors séparée, Sam est envoyé dans le camp de Buna-Monowitz (où il y travaillera jusqu'en janvier 1945) alors que sa famille sera directement envoyée aux chambres à gaz pour être assassinée. C'est hélas une histoire similaire à beaucoup d'autres.

SamBraun

Source photo : Arch. fam. Crédit photo : D.R

Le 18 janvier 1945, le camp d'Auschwitz est évacué. Les survivants sont conduits vers d'autres camps, c'est là que commence pour eux la "marche de la mort". Les prisonniers les plus affaiblis et ne pouvant suivre le rythme de la marche sont exécutés le long des routes par les nazis.  Sam arrive à survivre et il sera libéré avec d'autres en mai 1945 à Prague. Il pèse alors 35 kg pour 1,77 mètres. De retour en France, il retrouve une partie de sa famille qui n'avait pas été déporté : sa soeur et son frère. Après cette guerre, Sam n'a pas parlé de ce qu'il a vu, de ce qu'il a vécu dans les camps et durant cette triste période. La Guerre était finie, les gens voulaient être heureux, oublier ces moments difficiles, et donc ne pas entendre parler de ceux qui ont souffert, de la douleur des déportés. Quelques survivants ont eu le courage d'écrire aussitôt après, comme Primo Levi qui a écrit le très bon livre "Si c'est un homme''. Sam lui n'a pas pu en parler, il aura mis 40 ans avant d'évoquer pour la première fois ce qu'il a vécu dans les camps. 40 ans de silence, 40 ans à être le seul à savoir et à connaitre son histoire.

C'est donc à partir de 1995 que Sam commença à parler, auprès des collégiens et lycéens. En 2008, il publie "Personne ne m'aurait cru, alors je me suis tu'', son témoignage. Il revient alors sur sa déportation, sur le travail de mémoire et sur son travail de témoin. Ce livre n'est pas un récit de son vécu, mais un témoignage sous forme d'interview. C'est lors de l'un de ses témoignages dans mon lycée que j'ai eu l'occasion de rencontrer Sam. C'était une époque difficile pour moi. On avait le projet avec notre classe de première de travailler sur la Shoah et de devenir des passeurs de mémoire, mais travailler sur cette période engendre de grands questionnements : Comment les Hommes ont-ils pu un jour en arriver là ? A tuer d'autres personnes pour une question de religion et de façon aussi sauvage  ? Beaucoup de questions, et Sam fut le premier (mais non le dernier) que j'ai vu témoigner sur son histoire. Je me rappelle de ce moment, j'étais tellement stressée à l'idée de le rencontrer. Mais Sam a su nous mettre à l'aise, dès le départ. Son discours n'était pas un discours de haine envers les nazis, ce qui aurait pu être le cas, mais il avait des paroles bien plus réfléchies, et ce fut une véritable leçon de vie. Il nous a parlé de son histoire, mais surtout de ce qu'il faut retenir de cette époque et de ce qu'il faut comprendre sur le comportement des nazis. Il m'a fait comprendre comme personne d'autre que la vie était remplie de difficultés mais qu'il fallait passer au dessus de tout ça, essayer de comprendre pourquoi ce genre de chose pouvait nous arriver et surtout toujours croire en la vie. Toujours se dire que la vie est belle. Et ressortir toujours plus fort des épreuves.

« Fais que la vie sois toujours plus forte que la mort » (Sam Braun)

Sam nous a quitté le 1 juillet 2011. Aujourd’hui, je suis un Passeur de Mémoire. La Shoah est une terrible période de l’histoire qu’il ne faut pas oublier. Mais il ne faut pas oublier ces gens, qui ont pu témoigner, et il est important de connaitre leurs histoires. Le 24 janvier 2010, Sam a fait un discours s'intitulant "Nous ne serons jamais des vivants comme les autres, nous sommes des survivants''. Je crois que ce titre en dit déjà beaucoup, et je vous invite à essayer d'en savoir plus, à lire son livre et pourquoi pas à vous rendre au Mémorial de la Shoah de Paris. De mon côté, j'ai vu beaucoup de choses : Drancy, Bobigny, Auschwitz... Autant de lieux plein d'Histoire mais auquel il faut être préparé avant de connaitre toute l'Histoire. Avant d'aller à Auschwitz, il faut savoir, il faut avoir entendu des témoignages. Et surtout il faut respecter ces lieux. Auschwitz est un cimetière, où il faut respecter les âmes, et la souffrance. Là-bas, l'herbe, les oiseaux et les fleurs ne sont que mensonges. Ces éléments n'ont jamais été présents lorsque les camps étaient "actifs". L'odeur qui s'y trouvait était ignoble et les oiseaux ne venaient pas aux camps de la mort. L'herbe ou les fleurs ne poussaient pas... 

Après cette rencontre avec Sam, Lui et moi avons échangé de nombreux mails, il m'a accompagné lorsque je travaillais sur la Shoah. Il m'a aidé à gérer mes émotions, à laisser mon coeur parler sur cette époque tristement historique. Il a été là pour avoir les mots qui apaisaient mes maux. Ma plus grande déception fut de ne jamais avoir l'occasion de le revoir. Mais je sais que jamais je ne l'oublierai. Et que son histoire restera. N'oublions jamais. 

Mémorial de la Shoah

Je vous invite à vous rendre sur le site AJPN qui m'a aidé à rédiger cet article   http://www.ajpn.org/

Je vous invité également à vous rendre sur le blog de Sam Braun : http://sambraun.over-blog.com  et plus particulièrement sur son article "Laurie... et tous les autres''

« Le temps passe, mais l’Histoire reste. Et il ne faut pas oublier. Ce n’est finalement pas évident d’être Passeur de Mémoire, car il faut trouver les mots justes pour pouvoir parler de la Shoah. Pour pouvoir parler de choses que nous n’avons pas réellement connues, et savoir faire passer un message précis avec cette mémoire.

Si votre rencontre a été celle  qui m’a le plus touchée, c’est parce qu’à travers vos paroles on comprend alors l’importance d’une vie. L’importance de vivre sa vie, et de ressortir toujours plus fort des épreuves. L’expression qui me revient toujours quand je repense à votre intervention est : « Une leçon de vie ». Il n’y a pas plus impressionnant que d’entendre, de la part d’une personne qui a connu la pire des horreurs, que la vie est belle. » ( Message adressé à Sam Braun le 11 mai 2009)

Livre de Sam Braun

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Commentaires

  • Xavier
    Je ne peux parler de joli article au vu de ce qu'il raconte, mais c'est un bel hommage que tu lui rends, à lui comme à ceux qui ont vécu ces horreurs...
    Tu as eu cette "chance" de rencontrer un Homme comme celui-ci, c'est un véritable pan de l'histoire disparait avec eux lorsque qu'ils nous quittent...
    Espérons simplement que les Passeurs de mémoire, dont tu fais partie, ne cessent d'être toujours plus nombreux, pour que plus jamais une telle barbarie n'arrive.
  • Benito
    • 2. Benito Le 25/08/2013
    Je comprend un peu ton ressenti j'ai moi même rencontré une déportée et l'image de son tatouage sur son bras reste pour moi une vision forte malgré le temps. Je regrette de voir que les gens ne savent plus l'horreur que fut la 2nde guerre, au moins ça t'a touché et tu le transmets c'est une bonne chose. C'est un bel hommage que tu rends à ce monsieur et de son expérience tu apprends à relativiser sur les petites choses de la vie. Dans tous les cas même si tu ne l'a pas revu je suis sur qu'il à souvent pensée à toi comme une belle rencontre dans son existence et donc rien que pour cela tu lui as offert un réconfort utile pour un homme ayant eu une vie difficile.

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